Introduction :
Bonsoir à tous. Je veux vous dire combien la frontière entre la vérité que nous pouvons désirer au fond de nous, et l’hypocrisie ou la fausseté que nous pouvons donner à voir, est souvent bien mince. J’ai envoyé cet après-midi un mail à « La Parole Libérée » pour leur dire que je leur demandais pardon de ne pas les avoir officiellement invités ce soir, à cette messe. Ils sont les victimes. Ils ont eu le courage de rompre le silence. Je n’ai cessé de saluer leur action, et pourtant, il m’était comme impossible de les accueillir dans ce lieu qui a été pour eux un lieu d’agression, de trahison, couvert ensuite par le silence, de cardinaux, d’évêques, de prêtres, de catholiques. Je leur renouvelle devant vous ma demande de pardon. S’ils sont présents ce soir, je les en remercie. Ce sont, eux, hommes et femmes, alors enfants, qui sont au cœur de notre veillée, de notre prière. J’ai dit à quel point je ne voulais pas rajouter, ce soir, de condescendance spirituelle à ce qu’ils supportent, à ce qu’ils vivent. Je ne viens pas, « charitablement », ce soir, prier – pour - eux. Je désire qu’ils soient au cœur de chacun, avec leur souffrance, leur combat pour la vérité. Et m’engager désormais, avec vous, paroissiens, dans ce chemin qui est un combat.
Je ne viens pas, ce soir, faire une opération de « com. » pour redorer le blason d’une institution. Il y a cependant des journalistes parmi nous ce soir. Cette célébration est publique. Je les salue et les remercie de leur présence discrète, notamment pour les photographes.
Je viens pour demander pardon, en mon nom, en votre nom à tous, paroissiens, au nom de mon Église qui n’a pas écouté et qui a tant de mal à écouter, qui a recouvert d’un silence coupable ces crimes et qui a tant de mal à sortir de ce silence, qui a laissé les victimes à leur solitude alors qu’elle veut proclamer l’Évangile du Christ qui n’a cessé de s’identifier à la victime innocente. Demander pardon aux victimes. Et pour nous, ici, à St Luc, tout spécialement à toutes celles de B. Preynat.
Mais avant de demander pardon, il faut écouter. Ce que mon Église a bien du mal à faire. Ce que j’ai du mal à faire dans tout ce que cela implique, comme me l’a encore montré la préparation de cette célébration. Alors nous allons commencer par écouter. Trois témoignages. Un témoignage ne se commente pas. Il s’écoute, il se reçoit, il s’accueille.
Les victimes sont des personnes bien concrètes, dont la vie a été fracturée, salie, violée. Quiconque a commencé à écouter sait ce que cela veut dire. 70 victimes de Bernard Preynat, déclarées à ce jour. Et tous ceux qui ne pourront pas parler ! Je désirais placer 70 cierges au pied de la Croix, mais ce geste est inapproprié, incompréhensible au regard des horreurs que ces enfants ont subi. Nous écoutons les témoignages avec un temps de silence entre chacun.
Homélie : messe du 7 novembre 2016
Il y a d’abord la violence du crime sexuel. Celui qui n’arrive pas à se dire avec les mots réels. Sur des enfants qui plus est ! Celui que nous entourons de mots plus doux comme : « abuser », « sévices », « violences ». J’ai été obligé de dire à telle personne, s’indignant des attaques contre l’Église : « si c’était votre enfant, 8 ans, 9 ans, 10 ans, qu’un prêtre avait violé, qu’il l’avait obligé à le masturber, comment réagiriez-vous aujourd’hui ? Ne seriez-vous pas indignée ? Révoltée ? » Devant un enfant roué de coups, on porte plainte. Pourquoi devant l’agression sexuelle, tant d’atermoiements, d’hésitations ? Qu’il est donc difficile, tant qu’on n’est pas atteint dans sa propre chair de s’indigner, de partager la révolte ? Une victime m’écrivait : « J’espère sincèrement que les personnes présentes sentiront la peur de ces enfants, leur tremblement, leurs appels à l’aide étouffés dans la splendeur des mondanités de la colline. » Saurons-nous porter cela ? L’accueillir ? Ne pas passer à côté en détournant la tête, le cœur ?
Il y a ensuite le réflexe de protéger l’institution, en mettant un couvercle de silence. Et plus grave encore. Celles et ceux qui ont osé la parole, qui ont osé briser le silence, ont eu à subir les calomnies, les invectives, les pires soupçons. Deuxième calvaire après le premier. Une victime m’écrivait : « Nous avons été traités de Cagoulards, de collaborateurs, votre évêque ou son avocat a osé le parallèle de notre association avec Daesh. De fausses informations et des calomnies ont été mises en place par le diocèse et pas des confrères pour nous calomnier. » C’est très dur à entendre. L’entendrons-nous ? Sans nous en protéger ? Entendrai-je ce soir, comme prêtre lorsqu’on me dit : « La très grande majorité des prêtres a préféré rester solidaire du système en acquiesçant toutes les paroles de votre évêque et de son directeur de cabinet. » Mais il y aussi les catholiques qui savaient et qui n’ont rien dit. A une personne à qui l’on demandait pourquoi elle avait mis sa fille chez les scouts de Preynat alors qu’elle savait, répondant « il ne touchait que les petits garçons. » Que de souffrances incroyables et si dures à dire !
Cette victime m’écrit aussi : « De nombreux prêtres (très peu, trop peu !), nous ont contactés pour adhérer à notre association, pour nous voir, nous encourager. » De nombreux catholiques l’ont aussi fait. Pleinement solidaires. Des parents de victimes qui continuent à garder foi en Jésus, celui qui a placé l’enfant au milieu de ses disciples en leur disant, « celui qui ne leur ressemblera pas, n’entrera pas dans le Royaume de Dieu. »
Après un instant de silence, j’ai voulu qu’il y ait ce que nous appelons le rite de la « renonciation au mal » lors de la célébration d’un baptême. C’est un rite ; mais par ces mots, durant cette célébration, je veux m’engager, et je le crois, de nombreux catholiques avec moi, à non seulement ne jamais être complice du mal commis contre les enfants, mais à être désormais activement auprès des victimes.
Amen
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